Dès l’aube de l’histoire, le sentiment exotique est un thème littéraire. Avec l’Odyssé, Homère nous présente Ulysse qui ne cesse de partir en exploration, résistant aux dangers pour découvrir des terres nouvelles et des lieux merveilleux. Quelques siècles après, vient Hérodote (787-425 av.J.c.), célèbre pour ses Histoires ; il y offre aux habitants d’Athènes l’image de l’Autre et un monde inconnu et exotique, surtout l’Egypte dont la fascination est considérable.
Bien que les récits des voyages se trouvent au début du Moyen Age, Roger Mathé nous affirme que « le sens exotique n'apparaît guère dans la littérature médiévale ». Les Français, attachés à leur pays, ne se déplaçaient pas. Cependant nous en exceptons les nobles qui avaient l’habitude de parcourir des distances remarquables, allant aux pays lointains, les pèlerins qui s’orientaient aux lieux sacrés pour le salut de leur âme, ainsi que les marchands qui cherchaient ailleurs le gain financier.
L’Orient médiéval est celui des Croisés. L’Occidental tient le musulman pour une altérité dangereuse menaçant sa religion chrétienne. Malgré les guerres, il y avait des échanges commerciaux entre l’Europe et l’Orient. De plus, «entre deux batailles, il arrive aux chevaliers et aux émirs de fraterniser. Richard Cœur de Lion, prince angevin, quoique roi d’Angleterre avait de l’estime pour Saladin » Cependant les Croisés qui vont à la terre sainte pour la délivrer, ne se préoccupent ni des habitants des pays traversés, ni de leurs coutumes. Or la Palestine se présente comme la porte ouverte sur l’extrême-Orient, surtout la Chine dont on rapporte non seulement des pierres précieuses, mais des religions inconnues. Pendant cette époque, on peut trouver des écrivains-voyageurs tels Marc Polo et le père Guillaume de Rubrouck.
Au XVIe siècle, on a commencé à découvrir un monde inconnu et les navigateurs européens ont réussi à rapporter des récits exprimant l’Autre et ses mœurs. L’exotisme apparaît peu à peu dans la littérature humaniste ; il est associé au pèlerinage, à l’antiquité grecque et à la fantaisie. Si Rabelais nous conduit à des pays imaginaires, le pasteur Jean de Léry nous offre un exotisme réel à travers son Histoire d’un voyage fait en terre du Brésil. Mais au XVIIe siècle, l’exotisme a perdu la place qu’il avait gagnée. Les écrivains ne se déplacent pas ; ils préfèrent rester à Paris, près des mécènes et des salons littéraires qui affirment leur réputation.
Le XVIIIe siècle qui se distingue par la traduction des Mille et une Nuits par Antoine Galland, donne naissance à l’orientalisme. Cette œuvre a connu un succès inouï, contribuant à l’épanouissement de la littérature exotique. Les sujets turcs et persans sont à la base de nombreux romans, telles Les Lettres persanes de Montesquieu. Cependant les obstacles à l’évolution de cette littérature sont nombreux. A cette époque, la plupart des écrivains français remarquant la supériorité politique de leur pays, considèrent que tout ce qui est étranger à leur civilisation ne mérite pas d’être abordé. Même s’ils décrivent des pays lointains, c’est pour critiquer implicitement la France et mystifier la censure.
Avec le XIXe siècle et sous prétexte de défendre le prestige national, la France et l’Angleterre ne cessent de dominer l’Orient. Simultanément à l’expansion coloniale, les églises chrétiennes s’efforcent d’évangéliser les peuples conquis. A la fin de ce siècle, l’impérialisme occidental qui atteint son apogée, contribue à créer une nouvelle littérature visant à justifier le système colonial. Ainsi le racisme a contaminé les œuvres exotiques qui se sont éloignées de leur pureté, légitimant la domination européenne, face à des pays inférieurs.
Au début du XXe siècle, Victor Segalen met en évidence l’exotisme et en détermine les lois. L’exotisme lui paraît «l’ivresse du sujet à concevoir son objet ; à se connaître différent du sujet ; à sentir le Divers.» Il ne cesse de rejeter les progrès techniques dont résulte la disparition de l’Autre. Triste, il observe que les peuples qui se sont libérés, ont commencé à perdre leur spécificité tout en imitant les Européens. Le monde lui paraît si connu que tout se banalise.